Impression: le suicide au travail
 

 

LE SUICIDE AU TRAVAIL

Plusieurs suicides dans trois de nos grandes entreprises ont attiré l'attention du public sur ce phénomène. « Dégât collatéral » de la mondialisation ?
Si nous n'en sommes pas au point du Japon, il n'est pas admissible que des salariés en viennent à se donner la mort en raison du stress subi dans leur travail.

 

Le 5ème suicide au Technocentre Renault de Guyancourt en 2 ans et demi dont 3 ces 6 derniers mois, un salarié de l'usine PSA de Charleville-Mézière se donnant la mort le 03 février dernier et le procès fait à EDF début mars pour le suicide d'un salarié de la centrale de Chinon en 2004 a fait surgir d'un seul coup les difficultés qu'ont certains salariés à assumer le stress lié à leur travail.

Renault malmené dans un article de l'Usine Nouvelle du 1er mars 2007.

« Malaise au Technocentre Renault », l'article de L'Usine Nouvelle du 1 er mars 2007 est très sévère envers le fleuron de l'automobile française. Son chapeau est sans appel : « Erreurs dans la gestion des ressources humaines, nouvelle organisation du travail plus stressante, management dépassé : au-delà des suicides, les ratés dans le déploiement du plan Carlos Ghosn sapent la motivation des troupes du Technocentre. Au risque d'entraver la relance du groupe. »

En cause, le « Renault Contrat 2009 » engagé il y a un an et qui doit sortir Renault de sa très mauvaise position actuelle.
Alors que tous les salariés et organisations syndicales étaient prêts à relever le défit, « le point de rupture n'est pas loin » note l'UN. 30% des salariés doutent de la faisabilité du « contrat 2009 » selon une enquête de climat social réalisée en septembre 2006.

Les causes ? Des maladresses : les règles du jeu concernant les primes, les salaires et les entretiens individuels sont brutalement modifiées et certains directeurs font du zèle (« du Ghosn plus que Ghosn ») en imposant des objectifs inatteignables.

Mais il y a plus grave dans l'organisation du travail : les ingénieurs et techniciens sont affectés à plusieurs projets simultanément, ce qui les oblige à rendre compte à de très nombreuses personnes et à fixer en prenant sur eux-même l'ordre des priorités de leurs tâches. Quand tout est pour hier, ce n'est pas facile…
Autre point noté dans un article du Monde du 02 mars : « La direction avait lancé en septembre 2006 un programme pour généraliser le partage des bureaux. Constatant que, du fait des déplacements et des absences, certains postes de travail ne sont occupés que 50% à 60% du temps, la direction avait souhaité optimiser ce taux d'occupation en demandant aux salariés de partager leur bureau au gré des absences. Le but : économiser des mètres carrés pour les redéployer sur d'autres postes. Ce projet devrait être gelé. »
L'Usine Nouvelle s'était fait l'écho de ce partage dans son édition du 11 janvier 2007 (page 11) sans s'émouvoir particulièrement de cette nouvelle organisation lancée par IBM sous le nom de « dynamic workplace ». L'Usine Nouvelle se contente de citer Patrick Sigurdsson, consultant, déplorant que « Les français ont l'instinct de propriété. Partager son espace, c'est un peu comme une incursion dans la vie privée »…
Je préfère l'explication de Hubert Landier lors d'un « chat » le 24 octobre 2006 organisé par le Journal du Management à l'occasion de la sortie de son livre « Divorce à la française, comment les Français jugent les entreprises » : « Ce qu'il y a de nouveau aujourd'hui, c'est que la grande entreprise a cessé de proposer la sécurité qu'en attend le salarié. Cela résulte de méthodes de management qui nous viennent des Etats-Unis. Mais le contexte culturel y est complètement différent, dans la mesure où il s'agit d'un pays de nomades et non pas de sédentaires comme en Europe. Autrement dit, cette remise en cause du contrat social traditionnel est une conséquence de la mondialisation en cours ». Comment s'étonner d'ajouter au malaise en imposant à des sédentaires des mœurs de nomades ?

Et pour couronner le tout « les managers n'ont plus le temps d'être à l'écoute ». Comme souvent dans ces périodes difficiles, alors que tout l'encadrement devrait être sur le terrain avec les équipes, « entre les réunions, les déplacements, le suivi des indicateurs… l'encadrement ne prend pas toujours le temps ne serait-ce que de serrer les mains et d'échanger quelques mots le matin » déplore l'Usine Nouvelle en citant un salarié. Et Antoine Lepinteur, DRH du site constate : « Il nous faut veiller à croiser habilement performances techniques et managériales. La question de la disponibilité des managers fait partie des sujets sur lesquels nous devons nous pencher. »
En conclusion, L'Usine Nouvelle explique que la pression devrait retomber à Guyancourt, mais peut-être pas de sitôt…
Et dans son édition du 8 mars, à la page 10, un « Focus » annonce que « Renault accepte l'introspection ».

Notre conclusion : cette crise est très grave pour Renault. Espérons que cette entreprise s'en sortira et parviendra à réaliser le « Renault Contrat 2009 » car ce serait tout un pan de notre industrie qui en pâtirait. Et en premier lieu les salariés de Renault.
Mais cette crise doit également nous rappeler que tout redressement ne peut se faire sans le respect des hommes. Dans les périodes de crise, si la définition de la stratégie est difficile, la mise en œuvre de celle-ci l'est encore plus et nécessite la mobilisation de tout le personnel pour réussir. Et le rôle de l'encadrement est prépondérant : il doit expliquer en permanence la stratégie, accompagner le changement en étant présent sur le terrain, et enfin réguler le stress des équipes. L'équilibre est très délicat et seule une présence de tous les instants et à tous les niveaux permet de détecter très vite et très tôt les moindres signes de défaillance.
Ce sujet étant de première importance, nous y reviendrons.

Pour aller plus loin

Livres :

•  « Divorce à la Française , comment les Français jugent les entreprises » de Hubert Landier chez Dunot.

Internet :

•  Journal du Management : Le Stress au travail. Dossier de 2003 très intéressant.