A la suite de Michel Pouget (dont je m‘inspire principalement pour réaliser cette biographie), je distinguerai 4 périodes dans la vie de Taylor : L'enfance et l'adolescence : 1856 – 1874Frederick Winslow TAYLOR est né en 1856 à Germantown, près de Philadelphie. Il est le deuxième de 3 enfants d'une famille de quakers aisés installée en Pennsylvanie depuis 1 siècle. Il reçoit une éducation stricte marquée par le puritanisme et l'idéal quaker. Franklin et Emilie Taylor, ses parents, soutiennent la cause abolitionniste pendant la guerre de sécession (1861-1865). Et en 1869 , ils entreprennent un voyage en Europe avec toute leur famille. Ils sont de retour à Germantown en 1872. En septembre, Frederick est envoyé avec son frère aîné Edward à la « Philips Exeter Academy » dans le New Hampshire pour préparer l'entrée à Harvard. Frederick est admis à Harvard en 1874. La carrière industrielle : 1874 – 1893A cause de troubles de vision qui seraient dus à ses efforts pour se maintenir en tête de classe, il renonce à Harvard et commence en 1874 un double apprentissage de modeleur et de mécanicien dans une petite entreprise fabriquant des pompes. A la « Midvale Steel Company »En 1878, il entre comme manœuvre à la « Midvale Steel Company » . Ces premières années de vie professionnelle seront très importantes pour le jeune Taylor. C'est dans cette entreprise que Frederick Taylor va concevoir l'essentiel de son système.
Au bout de quelques semaines à la « Midvale », il remplace l'employé aux écritures car « il avait plus d'instruction que les autres ». Puis, rapidement, il est affecté à un tour. Il produit davantage que ses collègues et se fait remarquer de ses chefs. Constatant les insuffisances de sa formation scientifique, il commence à suivre les cours du « Stevens Institute ». Tout en continuant à travailler le jour, il étudie chez lui la nuit. C'est à cette période qu'il commencera ses recherches dans deux directions en appliquant les principes scientifiques appris au cours de ses études : Cette même année 1883, le premier « agent d'étude des temps » employé à plein temps et qui sera également le premier membre du « bureau des méthodes » est nommé. Son rôle ne sera pas uniquement de mesurer les temps, mais d'analyser le travail effectué. Au cours de cette année, Taylor met en place les premiers rudiments d'une gestion de production pour suivre le travail. En 1884, Taylor devient Ingénieur en chef de la « Midvale Steel Company ». Le 3 mai 1884, il épouse Louise M. Spooner, une amie d'enfance. En 1886, le directeur technique de la « Midvale », Russel Davenport , étend le système de Taylor à l'ensemble de l'usine. L'année suivante, en 1887, la « Midvale » est vendue. Davenport démissionne et entre à la « Bethlehem Steel » où il jouera un rôle important pour l'entrée de Taylor dans cette entreprise dix ans plus tard.
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Le salaire différentiel aux pièces selon Taylor (« A Piece Rate System »): |
« A Piece Rate System » est publié dans Transactions, la revue de l'ASME. C'est le début de la notoriété pour Taylor.
Il a de nouveaux clients, en particulier :
« Northern Electrical Manufacturing Company ». Il y réorganise la comptabilité.
« Johnson Company » et « Lorain Steel Company ». Il y réorganise également la comptabilité, optimise le fonctionnement des magasins et met en place le salaire différentiel.
A la « Simonds Company ».
En décembre 1896, il remplace le directeur de l'usine de Fitchburg à la « Simonds Company » .
Il y appelle Henry L. Gantt qui avait travaillé avec lui à la « Midvale » et Sanford Thompson qu'il avait connu à la « Manufacturing Investment ».
Il réorganise d'abord les ateliers de fabrication des billes et de polissage.
Dès le mois de mars 1897, il y met en place le salaire différentiel et charge Gantt de moderniser les machines. Puis il réorganise le service contrôle.
En juin, plusieurs cadres inquiets des changements apportés par Taylor démissionnent. Mais Taylor est appuyé par le conseil d'administration et en profite pour installer ses amis Gantt et Thompson aux postes clés.
En 1898 les prix de vente s'étant effondrés, la « Simonds Company » rencontre de grosses difficultés et malgré l'amélioration de la productivité, l'usine de Fitchburg est fermée.
A la « Bethlehem Company ».
En novembre 1897, Davenport, son ancien patron à la « Midvale » lui demande de mettre en place le salaire aux pièces à la « Bethlehem Steel Company » dont il est devenu l'un des principaux dirigeants.
La « Bethlehem Steel Company » était spécialisée dans la production de rails de chemins de fer. A la suite de la demande importante de la marine américaine en canons et blindages, elle fait des investissements importants. Elle sera reprise par la « Carnegie Company » en 1901. |
Le 19 janvier1898, Taylor explique dans une longue lettre ce qu'il préconise de faire à la « Bethlehem Company » avant de mettre en place le salaire aux pièces : standardisation et réorganisation des ateliers.
Le 27 mai 1898, il commence sa mission à la « Bethlehem ».
Il s'occupera d'abord de la réorganisation de l'atelier d'usinage qui constituait un goulot d'étranglement pour la production. Il met au point les aciers rapides, en définit les conditions d'utilisation, ce qui lui permet d'enlever aux mécaniciens la maîtrise de leur travail (ils n'ont plus la liberté de régler la vitesse de la machine, ni la profondeur de coupe.
En juin 1899, il embauche Carl G. Barth qui mettra au point en décembre la règle à calcul. Cette invention est jugée majeure par Taylor, car elle permet réellement d'enlever aux ouvriers le contrôle de leur travail… en calculant rapidement ce qu'ils doivent réaliser. Le contrôle de l'atelier d'usinage est ainsi enlevé des mains des ouvriers pour être placé entièrement entre les mains de l'encadrement.
Ensuite, Taylor introduit la comptabilité industrielle : il transfert les méthodes comptables des sociétés de chemin de fer dans l'entreprise industrielle. Pour Taylor, il y a un lien indissociable entre le développement de l'organisation du travail et l'amélioration du système comptable.
Parallèlement, Taylor introduit l'étude des temps dans les travaux de manutention.
Fin 1898, Taylor fait venir James Gillespie de la « Simons » qui, avec Hartley Wolle , contremaître de la « Bethlehem » fera la fameuse et controversée étude concernant la réorganisation de la manutention des gueuses de fonte . Il y a en effet 2 versions : celle racontée par Taylor dans les « Principles » et celle plus véridique racontée par Wege et Perroni à partir des rapports de Gillepsie et Wolle. Le résultat est néanmoins intéressant : il fit passer le poids manutentionné par jour et par personne de 25 tonnes à 48,8 tonnes en donnant 43% de temps de repos bien espacé tout au long de la journée.
Au cours de l'été 1900, Taylor fait embaucher Thomson et met en place l'organisation du pelletage. Tel que raconté par Taylor, le résultat est impressionnant : il détermine le meilleur poids de pelletée ( 10 kg ) pour manutentionner les différents produits minerai ou cendre; il adapte les tailles des pelles au produit ; à la place de 600 ouvriers manipulant chacun 10 tonnes, il ne reste que 140 ouvriers manipulant chacun 59 tonnes…
En 1900 il participe à l'Exposition Universelle de Paris. Il présente un machine d'usinage à coupe rapide. Les brevets qu'il en tirera lui donneront une aisance financière.
Il rencontre à cette occasion Henri Le Chatelier qui sera le diffuseur du taylorisme en France.
Cependant, en 1901 Taylor est en butte à l'opposition de certains membres de la direction de la « Bethlehem Steel Company » qui craignaient pour leur fonction. De plus, des négociations sont engagées pour vendre la « Bethlehem » à la «Carnegie ».
Taylor se sent moins appuyé et à la suite d'une lettre qu'il adresse à Linderman dans laquelle il lui reproche de ne pas l'avoir suffisamment appuyé, il est mis fin à sa mission le 17 avril.
J'ai reproduit un extrait de cette lettre pour montrer le caractère de Taylor et son intolérance quand on ne le suivait pas dans la mission dont il se croyait investit.
Lettre à Linderman : |
Taylor se présente ici comme un véritable consultant qui retombe toujours sur ses pieds et qui n'est jamais « ni coupable, ni responsable » des lenteurs et des échecs…
En octobre 1901 Taylor quitte Bethlehem pour Germantown où il achète une propriété : « Boxly ».
« A Piece Rate System » l'a rendu célèbre mais il est considéré seulement comme ayant défini un nouveau système de salaire aux pièces. Il décide donc de publier un autre ouvrage dans lequel il exposera complètement ses idées.
Lors de cette période, Taylor reprend ses travaux sur la coupe des métaux grâce à William Sellers son ancien patron de la « Midvale ».
En juin 1903, « Shop Management » fait l'objet d'une communication devant le congrès de l'ASME et est publié dans la revue de l'ASME. Malgré « son manque d'habileté naturelle dans l'usage des mots qui le conduit à exprimer maladroitement les choses » et « son désir de plaire aux employeurs dont dépend l'introduction de son système » (Copley), Taylor a réussit à présenter complètement ses idées et son ouvrage est très bien accueilli.
Cette même année, il noue des liens avec 2 entreprises qui deviendront les « vitrines » du taylorisme : la « Tabor Manufacturing Company » et la « Link Belt Engineering Company ».
Dans ces 2 entreprises, la réorganisation se passe en 3 étapes : standardisation des conditions de la production, mise en place du « service méthodes » et des contremaîtres fonctionnels, étude des temps et mise en place du salaire différentiel.
En décembre 1905, Taylor devient président de l'ASME. Il embauche Morris Cooke pour l'aider à réorganiser l'association et à gérer la revue Transactions . Ce qui lui donnera la possibilité de diffuser ses idées de manière plus importante.
En 1907 il publie « On The Art of Cutting Metals » dans la revue de l'ASME. Dans ce nouvel ouvrage, il expose tous ses travaux et découvertes sur l'usinage réalisés depuis 1881.
Il devient célèbre et ses idées se diffusent dans de nombreuses entreprises.
En 1908 il commence à organiser à Boxly des séances d'initiation au « Scientific Management ». Ces séances se terminent par des visites de la « Tabor » ou de la « Link ».
A la « Link-Belt » les résultats sont impressionnants : doublement de la production, baisse de 20% des coûts de production et augmentation des salaires de 20 à 25 %.
Taylor diffuse ses idées dans de nouvelles entreprises grâce à ses « disciples » : Henry L. Gantt, Barth, Hathaway et Cooke. D'autres se réclament de lui comme Harrington Emmerson et Franck Gilbreth devenu célèbre grâce au livre publié par deux de ses enfants : « Treize à la douzaine ».
Cette même année, le général W. Crozier demande à Taylor d'intervenir dans la réorganisation des arsenaux. Mais une première expérience à Rock Island échoue à cause de l'opposition des ouvriers.
« The Principles of Scientific Management »
En 1910, Taylor présente au comité de lecture de l'ASME « The Principles of Scientific Management » .
Dans ce nouvel ouvrage, Taylor s'adresse au grand public. Il reprend donc les idées générales développées dans « Shop Management » et les illustre d'exemples concrets, en particulier la manutention des gueuses de fonte et le pelletage.
Il y insiste également sur une autre origine de la faible productivité (après le freinage volontaire développé dans « Shop Management ») : les mauvaises méthodes empiriques utilisées par les ouvriers.
Devant l'hésitation du comité de l'ASME, partagé entre « techniciens » et « managers », Taylor fait publier des extraits de « The Principles of Scientific Management » dans « The American Magazine » en 1911. Puis Harper & Brothers éditent le livre.
Après l'échec de Rock Island, l'application des principes de Taylor commence en 1909 à l'arsenal de Watertown, mais en 1911, une grève contre le chronométrage éclate.
Une commission d'enquête parlementaire est nommée et siège d'octobre 1911 à février 1912. Cette commission n'est pas convaincue par Taylor et le congrès vote une loi début 1915 interdisant le « Scientific Management » dans les entreprise publiques américaines. (Cette interdiction ne sera levée qu'en 1949…)
1914 : La controverse entre Taylor et les syndicats reprend à l'occasion de la mise en place d'une commission sur les relations industrielles. Robert F. Hoxie , professeur d'économie, est chargé d'une enquête sur les relations entre le « Scientific Management » et le mouvement ouvrier.
Après la visite de 35 entreprises réalisées de janvier à avril, Hoxie remet ses conclusions :
très grande diversité dans la mise en œuvre du « Scientific Management » dans les entreprises visitées ;
décalage entre la théorie du « Scientific Management » et l'application par des patrons souhaitant obtenir des résultats financiers rapides ;
dépouillement des compétences des ouvriers ;
accroissement de l'individualisme chez les ouvriers ;
opposition entre « Scientific Management » et syndicats ;
incapacité à résoudre les problèmes sociaux créés.
1915 : Taylor meurt le 21 mars très controversé et sans avoir eu connaissance du rapport Hoxie.
Sur sa tombe, ses disciples font graver l'épitaphe :
Frederick Taylor
1856-1915
Father of Scientific Management
Pour aller plus loin
Livres :
« Taylor et le taylorisme » dans « Que sais-je » de M. Pouget.
Internet :
« La naissance de la théorie de l'organisation et du management » Thèse de L. Karsten:
http://som.eldoc.ub.rug.nl/FILES/reports/1995-1999/themeA/1997/97A01/97a01.pdf
« The Principles of Scientific Management» en version originale anglaise :
http://www.eldritchpress.org/fwt/taylor.html#end
« Shop Management » en version originale anglaise :
http://onlinebooks.library.upenn.edu/webbin/gutbook/lookup?num=6464